la cargaison

Je me réveille d’une nuit absurde et douloureuse,
     les os ruinés, le cerveau gelé et l’humeur,
     ah l’humeur… dangereuse.

J’ai mal aux cheveux par excès de sobriété.
C’est bizarre, je sais, je suis montée à l’envers,
     comme une pendule parallèle ou vieille ou amochée.
Il faudrait me taper dans le dos pour me ranger.

Mais je suis toute seule et je manque de souplesse.

Je me traîne avec le pas lourd,
     l’air est dense comme mon seum, l i t t é r a l e m e n t.
Ce matin la vie est à contre-jour,
     mes yeux collent et ma bouche saigne un volcan.

J’arrive à la cuisine en mode auto-pilote,
     les éléments sont perpendiculaires au sol,
comme d’habitude, pas de fausse note,

Sauf que non.

Désormais, plus rien n’est normal,
     plus rien n’efficace, plus rien… tout exagère.
J’ouvre le placard à doctrines et j’y trouve ma mère.
Elle ne tient pas en place, elle se répand sur les étagères.

Les espaces sont pleins, bouchés, comblés de paradoxes.
Des petits, des grands, des longs, des courts, surtout des nuls.
Des bouts de machins hyperactifs et féroces
     qui me sautent à la gueule sans scrupule.

Un bocal new age soudain s’agite de cultes impossibles,
     il m’accable de ses assauts pénibles.
Moi, à la base, je voulais juste me faire un thé.
Une force douce, sans révolte, sapide et réchauffée.

Elle, ma mère, croit dur comme fer en la réincarnation.
Peut-on choisir ? Meilleure version de soi-même ou pigeon ?

Curieuse idée d’une vie supplémentaire,
     les journées sont déjà trop longues.
Curieuse envie de propager son calcaire,
     pourquoi fuir les psychopompes ?

Je ferme la porte du placard mais les fardeaux dégoulinent des interstices.
Je regrette tout, j’ai déconné, je veux me recoucher.

Mais je ne peux pas.
Je dois suivre les coulures en baissant la voix.
Attendre la fin de la pluie.
Produire l’envie.

(Mettre le feu.)

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