supernova

Je ne savais pas si tu allais venir. Je t’attendais, je surveillais l’entrée comme l’huile sur le feu. Je me suis joint au groupe pour être en ta compagnie, être ici ou ailleurs mais avec toi qui parles, qui penses, qui bouges aussi, toi qui évolues dans un espace lié au mien, c’est ce qui m’aide à respirer. Je regardais dehors, au travers des grandes fenêtres qui précèdent la porte, espérant te voir en exclusivité malgré la buée provoquée par les récits de nos journées. Il faisait nuit mais je t’aurais repérée quand même emmitouflée dans ton long manteau noir, j’ai entraîné mon cerveau pour ça.

Et puis tu es arrivée par surprise, entre deux battements de mes cils. Tu as franchi la porte avec le sourire aux lèvres, m’émerveillant par cet état dans lequel je ne te connaissais pas encore. Tu as salué chacun de nous avec un égard particulier et tu as fini par moi, j’étais en bout de table. Tu as pris place en face de moi et j’ai été soulagé de ne plus avoir à contrôler les fenêtres. Tu as pris les conversations en route sans jamais te départir de ton sourire, je t’observais, tu rayonnais. On avait tamisé l’éclairage des lieux pour susciter une ambiance chaleureuse en réponse à cet hiver interminable. Les ampoules ont clignoté pour protester, ce qui a attiré mon attention pendant quelques secondes, elles étaient jalouses de toi. Et puis quelque chose a changé. Tu rayonnais plus fort. Tu souriais tellement, tu riais parfois, c’était si beau à voir que j’étais bouleversé.

Comme je l’espérais, tu as soutenu mon regard. Tu riais avec un air mutin, océanique. J’ai gardé le cap autant que possible et puis j’ai fermé les yeux pour que ta chaleur m’atteigne complètement. Quand je les ai rouverts, ta lumière était plus intense encore. On y voyait comme en plein jour. Je distinguais moins bien tes contours mais cet éclat… Je n’aurais pas supporté que tu t’éteignes.

Je ne m’occupais plus des autres. Je ne les voyais plus, ne les entendais plus. Il n’y avait plus que toi et peut-être encore un peu de moi. La lumière est muette mais la tienne disait tout. Elle m’enveloppait, douce, un peu insolente, c’est toi qui décidais de tout et ça m’allait bien. La réduction des lampes n’avait plus aucun effet, les réverbères de la rue ne servaient plus à personne, il n’y avait que ta manifestation. Tu étais sur le point d’éblouir le quartier, puis la ville, et enfin le monde, la lumière, ta lumière devenait pulsatile, impatiente d’en découdre avec, je ne sais pas, moi peut-être. Ai-je une importance quelconque dans ce phénomène ?

J’étais aveuglé, je ne bougeais plus. Je me sentais brûler. Ma peau, mes rétines, ma bouche n’étaient plus qu’un incendie quand tu souriais, tu me souriais si fort mais sans brutalité, tu m’as embrasé et j’en redemandais, je désirais que cette lumière parfaitement éblouissante m’absorbe tout entier, qu’elle s’abatte sur la cire de mes ailes et me fasse chuter dans le vide. C’est arrivé si vite. Tu as implosé, je t’ai vue. J’ai tout ressenti jusque dans mes os. Je n’avais jamais rien éprouvé de pareil et voilà que tu as disparu.

Les autres ne se sont aperçu de rien. Une faible lueur nous parvenait de l’extérieur, la nuit finissait. Les ampoules avaient éclaté, les morceaux de verre jonchaient les tables et le sol. Je me sentais misérable, refroidi. Engourdi, je n’avais plus rien à faire ici. Je me suis levé, j’ai enfilé mon manteau et je suis parti. Le gris du matin m’a cueilli dans la violence. Il y avait beaucoup de brouillard. J’ai marché droit vers l’aube en laissant derrière moi les réverbères ordonnés qui s’éteignaient un à un.

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