Culture III

J’ai beaucoup de mal à travailler pendant l’été. En juillet, je traverse une crise d’inspiration annuelle et en août, ce sont les vraies vacances et j’ai toujours du monde chez moi. Je me nourris donc d’autres choses, je lâche la bride mais non sans culpabilité. Si j’ai fait le tour des plages pour prendre des photos (c’est du travail, vous me direz), je suis quand même allée voir ce qui se passait ailleurs.

Le retour de Final Fantasy VII

J’ai connu les jeux Final Fantasy à la fin des années 1990 quand j’accompagnais ma mère chez l’une de ses amies, le fils de cette dernière, de mon âge, était un gros gamer. Je l’ai regardé jouer à Final Fantasy VII et VIII pendant des heures, ça m’a fait rêver. Je possédais moi aussi une PlayStation, la première, et, un jour, vers 13 ou 14 ans, je suis allée dans une boutique de jeux d’occasion pour me prendre Final Fantasy VII. Le début d’une grande histoire d’amour. C’était déjà un gros coffret avec trois CD parce que c’était un jeu très dense, avec des personnages carrés pas très souples. J’ai rêvé toute ma vie d’adulte que ce jeu soit remodelé et c’est arrivé en 2020. Sauf que je n’avais plus de console adaptée, si ce n’est la PlayStation 3 qui prenait la poussière. Et puis cette année, la PlayStation 5 a rejoint la maison. Le remake de Final Fantasy VII est sous forme de trilogie, le premier épisode est sorti en 2020 et le deuxième l’année dernière. Le troisième est a priori prévu pour 2028. J’ai acheté les deux premiers volets et j’y ai consacré une partie de mon mois de juillet, soit environ 200 heures. Dans les grandes lignes, il s’agit d’un RPG qui nous plonge dans la lutte d’Avalanche, une équipe d’éco-terroristes, contre un gouvernement qui est en passe de détruire la planète. Dans l’air du temps. Une histoire de science-fiction à la fois cyberpunk et spirituelle qui se place dans un contexte de fin du monde. C’est le plus beau jeu vidéo du monde, mon préféré, impossible de débattre. J’ai d’ailleurs fini le deuxième épisode avec une crise de larmes (à cause du scénario) et j’y ai pensé pendant des jours.

Final Fantasy VII (1997)
Final Fantasy VII Rebirth (2024)

Des concerts

J’ai vu Robert Plant en juillet et Cerrone en août. Saving Grace est la dernière formation en date de Robert Plant. C’est de la musique calme qui n’a rien à prouver, un mélange de folk, de blues et de country avec, parfois, des accents de musique de marin. Eh bien c’est quelque chose de voir Robert Plant en vrai, moi ça m’a beaucoup émue. J’ai une grande admiration pour cet artiste et je le trouve très humble.

Quant à Cerrone, je l’ai vu en DJ set à Noirmoutier. Nous étions entre ami·es pour l’anniversaire de l’un d’elles et eux, c’est le plus grand fan de Cerrone que je connais. C’est d’ailleurs lui qui m’a fait aimer sa musique et m’intéresser à la disco au sens large. Il était content, nous étions tou·tes heureux·ses d’être là, on en a pris plein les oreilles, les organes dissous aux infrabasses.

Avez-vous déjà vu le clip incroyable de Supernature ? Sinon faites-le, je vous en conjure.

Au cinéma

Je ne regarde pas beaucoup de films en général. Cet été, j’en ai vu un en juillet et huit en août, et seul un a vraiment retenu mon intention, Les Femmes au balcon de et avec Noémie Merlant, une excellente comédie d’horreur sortie l’année dernière. C’est l’histoire de trois femmes colocataires dans un appartement de Marseille sous 45°C. L’une est cam girl, l’autre aspirante écrivaine et la dernière est actrice. Elles fantasment sur le voisin du balcon d’en face, photographe, qui les invite finalement à boire un verre chez lui. Sauf que ça se passe mal. J’ai trouvé ce film très drôle, bien que tragique, et les professions des personnages ne m’ont pas arrêtée alors qu’elles auraient pu. J’ai souvent la flemme de voir des films français qui se passent dans des appartements spacieux que personne n’a les moyens d’acheter et dont les protagonistes ont des carrières de rêve. Je sais que le cinéma est là pour faire rêver mais les plaisirs varient rarement. Ici, c’est différent. Tout le monde a un dream job mais la tournure des événements fait relativiser. Un truc à noter avec la fiche technique du film, il y a beaucoup de postes régaliens occupés par des femmes : participation de Céline Sciamma à la production (en plus d’Eve François-Machuel) et au scénario (avec Noémie Merlant et Pauline Munier), Uèle Lamore à la musique, Evguenia Aleksandrova à la photographie, Armance Durix (entre autres) au son, Chloé Cambournac aux décors et Emmanuelle Youchnovski aux costumes.

Les Femmes au balcon, de Noémie Merlant

Dans un autre style, j’ai vu la bande-annonce de la nouvelle adaptation des Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë par Emerald Fennell. Avec Margot Robbie dans le rôle de Catherine et Jacob Elordi dans celui d’Heathcliff. Aimant profondément ce roman, j’irai voir ce film mais il y a deux choses qui me gênent. Premièrement, et bien que ça ne soit pas clairement écrit dans le bouquin, je crois qu’il faut admettre que le personnage d’Heathcliff est métis. Or, il est souvent représenté comme un beau brun blanc ténébreux, sauf chez Andrea Arnold. Et puis je crois qu’Emerald Fennell surfe allègrement sur la mode de la dark romance et ça me fait un peu peur, je pense que cette nouvelle version sera un film de cul. Je ne dis pas que la liberté d’interprétation n’a pas lieu d’être, seulement il est possible que je ne sois pas le public, je risque de penser que ce film dénature le roman qui est d’une puissance inégalée. Mais bon, pourquoi pas, attendons.

Toujours pas la plus grande lectrice

J’aimerais vraiment être une lectrice rapide et assidue mais c’est tout le contraire, je lis très lentement et j’ai de grosses difficultés à me concentrer. J’en ai pris mon parti et ça ne m’empêche pas d’avoir toujours un bouquin en cours. J’étais impatiente de commencer Notre part de nuit de Mariana Enriquez qui, sur le papier, cochait toutes les cases pour me plaire. Hélas, j’ai été déçue. J’ai arrêté ma lecture au bout d’une centaine de pages car je me suis rendu compte d’une chose essentielle. Si le gothique est mon genre littéraire favori, j’ai du mal à l’apprécier dans une œuvre dont l’histoire est contemporaine. Ou presque, car Notre part de nuit commence en Argentine sous la dictature, au début des années 1980. Je n’arrive pas à dépasser la fusion entre des aspects fantastiques et nos codes d’aujourd’hui. Ma déception est d’autant plus grande avec ce roman que j’ai adoré l’écriture de Mariana Enriquez et l’histoire de Juan et de sa famille (sorcellerie mise à part, donc). Peut-être n’est-ce que partie remise.

J’ai toutefois lu un autre livre beaucoup plus rationnel, Confessions d’un gang de filles de Joyce Carol Oates. C’est l’histoire d’un groupe d’adolescentes qui, dans un bled désœuvré de l’État de New York au milieu des années 1950, forment un gang et commettent crimes et délits. Elles sont fières et surtout vengeresses, elles ne supportent pas ce monde qui ne sait pas les accueillir, un monde capitaliste dans lequel l’homme est un prédateur ou un bon à rien. Toutes ont une histoire compliquée donc toutes sont vulnérables et se tournent vers l’illégalité. Elles répondent à la violence par la violence, sont touchantes, sorores, misandres, anticapitalistes mais aussi empreintes de misogynie et de racisme. J’ai dévoré ce roman, qui m’a été offert par mon amie Amandine (dans le mile), je l’ai trouvé très brutal et très actuel. Après ma lecture, j’ai regardé l’adaptation de Laurent Cantet sortie en 2012. Elle ne m’a pas autant plu et je lui ai trouvé l’effet d’un pétard mouillé mais j’ai pris conscience de la différence entre les adolescentes que j’ai imaginées et celles du film. C’est-à-dire qu’elles ne sont que des enfants, les voir à l’écran me les a rendues moins violentes. J’ai trouvé que le personnage de Legs manquait de force et que la réalisation n’avait pas suffisamment insisté sur sa relation avec son paternel ni sur son passage à Red Bank alors que c’est une grande part de sa construction. Quant au personnage de VV, son instabilité mentale a tout bonnement disparu. C’est dommage, les adolescentes de Joyce Carol Oates ont bien plus de corps.

Un documentaire en passant

Si vous n’avez pas peur de vous faire tabasser par un sujet tristement d’actualité depuis des décennies, je vous recommande l’excellent documentaire du photographe et vidéaste Nicolas Doretti, Gaza, le massacre n’existe pas – L’insoutenable vérité derrière les images conflits, qui retrace, à travers la photographie, le déni persistant des horreurs de ce monde.

Finir en musique

Avec deux clips que je trouve prodigieux parce que, oui, en big 2025 je regarde toujours des clips.

Photo d’illustration : Flora Fishbach par Jules Faure

2 réflexions sur “Culture III”

  1. Je déteste Emerald Fennel de tout mon coeur, je ne passerais jamais outre l’affront qu’a été pour moi Promising Young Woman, (ainsi que le casting discutable de cette adaptation de Wuthering Heights d’ailleurs), mais j’ai quand même hâte de le voir.
    A la base j’étais team « c’est sûr que ça va être une giga daube, qu’est ce que c’est que cette robe de mariée des années 80, pourquoi c’est pas Assad Zaman qui joue Heathcliff » (je me pose toujours les deux dernières questions) mais je crois que de voir un nombre incalculable de gens basher le film d’avance m’a fait basculer dans la team « on verra bien, si on est pas contents on aura qu’à retourner lire le bouquin ».

    Et je vais rajouter Confessions d’un gang de filles de Joyce Carol Oates sur ma liste à lire, ça a l’air top !

    1. J’ai la vague impression qu’Emerald Fennel aime le sensationnalisme. Pour autant je crois me souvenir avoir aimé Promising Young Woman même si j’y ai vu une forme de pinkwashing, alors réalise-t-elle ses films en fonction des phénomènes de mode ? En tout cas, je ne connaissais pas Assad Zaman mais après recherche, je le vois super bien dans le rôle d’Heathcliff. Plus jeune, j’aurais été intransigeante sur l’adaptation mais désormais, je me dis que si ça peut amener les gens vers Emily Brontë, c’est toujours ça de pris. Après tout, quand j’avais 14 ans, la comédie musicale Notre-Dame de Paris m’a fait lire Victor Hugo.

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