C’est fou comme tout est injonction. Si on doit toujours se comporter comme on nous le demande, on se retrouve pris·e dans un étau, dans la confusion, entre deux cahiers des charges en stricte opposition. Ce n’est pas un billet politique même si tout est politique. Je veux juste expliquer les choses tout en revendiquant mon droit d’être cryptique.
Tout est injonction et le quotidien est parsemé de micro-agressions. Il y a celles et ceux qui disent d’énormes conneries par penchant pour le drama ou par haine et il y a celles et ceux qui ne prennent pas la mesure de ce qu’iels disent par méconnaissance d’un sujet ou parce qu’iels ne font pas attention et, ça, bon, ça peut arriver à tout le monde, ainsi qu’à moi et je le regrette. Mais je suis aussi micro-agressée parce que je fais des choix plutôt que d’autres, des choix qui ne devraient pas être lourds mais on décide pour moi qu’ils le sont. Le problème, c’est que j’ai une excellente mémoire alors j’entends en écho des choses dans ma tête qui se voulaient innocentes ou militantes quand elles sont sorties des bouches. Je n’en veux à personne, je ne suis pas suffisamment revêche. J’aimerais pouvoir décider de quelque chose sans qu’on ait à redire. Je sais que j’ai parfois l’air d’une folle, d’une originale, d’une meuf à côté de ses pompes, en fait je suis toujours dubitative quant à l’image que je renvoie mais je crois qu’il m’arrive souvent de passer pour une dingue, quoi que cela veuille dire. Pour autant je ne pense pas avoir un comportement immature. Il y a des sujets auxquels je ne comprends rien mais je vote, je paie mes impôts et je peux tenir des conversations à peu près intelligentes. Quand je fais face à un problème, un problème qui meurtrit ma tête et ma chair, je voudrais pouvoir décider seule de ce que je veux en faire selon mes propres sensibilités. Quand il nous arrive un truc pénible, on nous tire les manches dans deux sens contraires. Il faudrait ne pas en parler parce que : la pudeur, les gens s’en foutent, ne comprennent pas, vont juger, etc. Mais il faudrait en parler parce que : on est en big 2025, il faut libérer la parole, on s’en fout de l’avis des autres, il faut pouvoir en parler avec d’autres qui vivent la même chose, etc. Vous allez me dire que le premier point est négatif et le second positif. Eh bien oui et non. Déjà il n’existe pas de jauge de pudeur, chacun·e son échelle, et on peut être pudique à propos d’un sujet et pas d’un autre. Ensuite, ne pas tenir compte de l’avis des autres est une fort belle promesse mais ce n’est que de la théorie utopiste. En pratique, nous sommes jugé·es et nous sommes juges. La résilience est un concept franchement galvaudé de nos jours, pour autant il en faut une bonne dose pour que les opinions des autres nous glissent dessus telles les larmes masculinistes sur le cuir d’une féministe cosmique. Il suffit d’ouvrir la section commentaire de n’importe quelle publication d’un quelconque réseau social, les gens sont des animaux. Les personnes qui savent se tenir dans ce contexte ne sont pas toujours innocentes IRL et cela rejoint ce que je disais au début de ce billet. Désolée mais moi, je n’ai pas la force. Pas la force d’expliquer, ni de raconter, de dire pourquoi, de comparer les expériences, non, ça m’emmerde. Nos vies diffèrent, il y a toujours une raison précise pour laquelle on fait ce que l’on fait. Pour autant, ce n’est pas parce qu’on choisit une façon de se comporter que la façon opposée doit être dénigrée. Moi, j’encourage tout le monde à embrasser la méthode qui lui fera le plus de bien (ou le moins mal). On pourrait imaginer qu’il ne faut pas rester seul·e dans un instant particulièrement difficile mais, ça encore, c’est de la théorie. On a parfois besoin de solitude, personne ne vous demande de le comprendre, juste de l’accepter. À titre personnel, j’ai besoin de contrôler le regard de l’autre. Tant que je ne serai pas sûre et certaine de la façon dont il se pose sur moi, je garderai le silence.
Photo : citrouille seule en son potager, 2025 (photo personnelle)



