Culture I

Portrait en noir et blanc et en close up de Little Simz par Thibaut Grevet.

N’ayez crainte, un jour je vais arrêter de comparer à l’emporte-pièce nos comportements sur Internet. Ces dernières semaines, je me suis demandé comment parler de culture. Parce que j’ai envie d’évoquer ce que je lis, regarde et écoute mais les billets culturels ont rarement fait des adeptes sur les espaces généralistes et je me demande à quoi c’est dû. Aujourd’hui, sur Instagram, quand je publie la photo d’un livre ou d’un vinyle, personne ne la voit mais je sais à quoi c’est dû, les algorithmes considèrent cela hors-sujet. C’est un réseau sur lequel on doit être mono-sujet. Un jour, un gars de l’équipe a eu cette idée et tout le monde a trouvé ça super alors que c’est complètement con. Instagram c’est la COGIP. On a implanté dans l’esprit des gens une autre définition de la valeur des choses grâce aux algorithmes et aux statistiques. C’est de cette façon qu’on se retrouve avec un contenu standardisé et que l’on recherche la viralité. C’est Instagram lui-même qui génère de la contrariété, pas les publications des autres.

Alors voilà, je veux parler de culture, le faire ici bien entendu, et j’ai réfléchi de manière rigide car je ne sais faire que ça : à quelle fréquence ? Comment faire ma sélection ? J’ai trouvé ça stupide, d’autant plus idiot qu’après avoir visionné ma première série de l’année, je l’ai trouvée tellement bien que j’ai compris que je m’infligeais beaucoup trop de choses inintéressantes. Quelle perte de temps ! Je n’ai pas attendu pour interrompre une lecture chiante comme la mort mais je crois que je devrais davantage me positionner en amont. On se tape un paquet de trucs par effet de mode et ça a pris de l’ampleur avec les plateformes de streaming et les recommandations virales sur les réseaux sociaux. J’ai acheté plusieurs bouquins comme ça et j’ai rempli ma playlist selon mon utilisation de TikTok. Il y a parfois des bonnes surprises mais je ne suis qu’une influencée. Et je déteste. J’ai désinstallé TikTok et je me sens beaucoup mieux.

Au cours de l’écriture de ce billet, j’ai lu celui-ci (en anglais) de Kaylee Rowena partagé par Marie et intitulé The year of the blog. Tout est dans le titre, c’est un article de blog à propos de l’écriture d’article de blog, le procédé et l’intention qu’on y met, c’est très pertinent.

Je parlerai donc de ce qui me transcende à une fréquence qui me semblera la meilleure, la mienne. Dont acte !

La última noche en Tremor

La voilà, c’est elle la première série que j’ai regardée cette année (Dernière nuit à Trémor en version française). C’est une mini-série espagnole de huit épisodes, adaptée pour Netflix du roman La última noche en Tremore Beach de Mikel Santiago. C’est l’histoire d’Álex, pianiste virtuose par la ténacité de sa mère, qui est revenu au pays. Il s’est retiré dans une grande maison au bord de l’océan, dans le village de Tremor, pour composer la musique d’un film. Il vient de quitter Londres après son divorce et son ex-femme et leurs enfants ont emménagé à Amsterdam. C’est un homme taciturne qui souffre de la page blanche et de somnambulisme. Après un dîner chez ses uniques voisins, un couple qui a du temps libre et habite une maison à toit plat, Álex a un accident et commence à avoir des visions inquiétantes.

Le protagoniste, Alex, assis au piano. Alex est un homme grand, de carrure doucement musclée. Il est brun, les cheveux légèrement bouclés, et il a une grosse barbe brune. Le piano est à queue.
Les personnages principaux, Alex et Judy, près d'une fenêtre ouverte. Alex fume une cigarette, l'air concerné et fatigué. Judy, une femme aux longs cheveux roux, est à l'écoute.

J’ai trouvé quelques similitudes avec les séries de Mike Flanagan et ça confirme mon appétence pour ce type d’ambiance car je n’avais pas été aussi emballée par une série depuis The Haunting of Hill House et Midnight Mass. J’en ai regardé plusieurs aussi divertissantes les unes que les autres mais pas au point de jouer autant avec mes émotions. C’est un combo de plusieurs éléments. Tremor semble se trouver en Galice, soit la Bretagne espagnole, tout le monde porte des cols roulés et les personnages sont aussi perturbés que l’océan est instable. Je peux me tromper mais je ne crois pas que Tremor soit réel, bien qu’il existe Tremor de Arriba en Castille-et-León et ça n’a rien à voir. La série n’échappe pas à quelques tropes (le type ténébreux qui a des issues, la position géographique et ce qu’elle inspire, la grande maison vide et j’en passe) mais puisqu’on a déjà tout inventé, on pourra se pencher sur le talent des créateur·rices et des acteur·rices pour rendre tout ça passionnant. D’ailleurs, j’ai découvert Javier Rey que j’ai trouvé particulièrement beau, charismatique et balèze dans l’expression des émotions (et ce même s’il a une drôle de façon de courir), ce qui a sûrement joué dans ma perception des choses. Mais ce n’est pas qu’une affaire d’atouts physiques puisque la série avance avec une certaine lenteur (les épisodes varient entre 50 minutes et 1h30), peut être assez bavarde (on se souviendra de Midnight Mass pour ça) et, au début, se barre un peu dans tous les sens, cela dit c’est pour le mieux car tout concorde. C’est dense et l’atmosphère est gothique. Il faudra tout de même être vigilant·e à l’approche du quatrième épisode qui comporte des scènes de violence sexuelle particulièrement éprouvantes.

Flood

Interlude avec Flood de Little Simz. Une œuvre d’art, tout simplement.

Yellow Socks Orchestra

En janvier, pour la première fois de ma vie, je suis allée au concert d’un orchestre symphonique. Je n’ai reçu aucune culture classique, je n’ai jamais mis les pieds dans un conservatoire, n’ai jamais appris le solfège, du moins rien de plus que les bases des cours de musique au collège, je n’entends rien aux instruments de musique (j’ai fait un peu de guitare mais en mode Guitar Part) et je n’ai jamais vu aucun concert apparenté à la musique classique, pas même à la télé parce que, il faut le dire, ce n’est pas ma came. Mais alors que s’est-il passé ? C’est très simple, je suis allée voir le Yellow Socks Orchestra, orchestre symphonique français spécialisé dans la musique de film. Il s’agissait ici de la tournée consacrée à John Williams et Hans Zimmer, soit des compositeurs qui rendent ce genre de musique accessible de par leur popularité et grâce aux films qui ont marqué une génération. Je peux revoir (et chanter) Jurassic Park sans jamais me lasser, cependant il ne me serait pas venu à l’esprit d’aller voir un concert de mon propre chef. Vous l’aurez compris, j’ai été embarquée dans l’affaire. Bon, j’ai été convaincue dès les premières secondes. Les poils de mes bras se sont dressés et j’ai eu une soudaine montée de larmes tandis que l’orchestre débutait par le thème de Star Wars… alors que je n’aime pas du tout Star Wars. Et donc être devant un orchestre de 70 personnes en train de tout donner de la harpe au violon en passant par les trompettes et les percussions, ça m’a donné l’impression d’être un chat qui regarde la rue derrière une fenêtre, il y a toujours un truc qui se passe. Alors qui sait, peut-être que demain j’irai voir un opéra…

Serene Demon

Interlude avec Serene Demon d’Art d’Ecco. J’ai découvert cet artiste canadien sur Instagram, grâce aux stories sponsorisées. Il n’y a que de cette façon que je les trouve acceptables. Et donc Art d’Ecco est un immense coup de cœur. Après avoir regardé ce clip, vous aussi vous voudrez vous procurer une paire de lunettes de soleil à pampilles.

Je ne suis pas cinéphile

Je ne suis pas cinéphile, c’est-à-dire que je vais au cinéma mais pas souvent, et je préfère carrément voir un film dans mon salon vissée sur mon canapé. Je sais qu’il y a des exceptions qui méritent la salle obscure, je sais le reconnaître et, par conséquent, me déplacer (je crois que les cinéphiles pensent que ça vaut le coup pour tous les films). Je ne vous dirai pas de quelle façon j’ai vu trois des derniers films qui m’ont plu (j’en ai vu d’autres, bien trop, que j’ai trouvé nazes) mais je peux parler d’eux quand même.

The Brutalist (Brady Corbet, 2025)

Adrien Brody dans le rôle de l'architecte. Il montre un plan à un groupe d'hommes.

László Toth, un architecte juif hongrois, émigre aux États-Unis après avoir survécu à l’Holocauste et été séparé de son épouse Erzsébet, restée en Europe. Il tente de revenir à ses premières amours avec autant de passion que d’entraves. C’est une longue fresque composite en trois parties qui forment un tout de 3h34. C’est long, ça prend son temps, c’est fastidieux mais c’est majestueux. Avec Adrien Brody, Felicity Jones et Guy Pearce.

Small Things Like These (Tim Mielants, 2024)

Le protagoniste joué par Cillian Murphy, une adolescente et une religieuse, en arrière plan.

Dans l’Irlande rurale de 1985, à l’approche de Noël, Bill Furlong, père de cinq filles, est marchand de charbon et livre les environs. Y compris un couvent de la Madeleine, où il fait une découverte sordide lors de sa tournée. Enrichi par des flashbacks de l’enfance compliquée de Bill, le film pose la question : parler ou se taire ? On ne répond pas simplement car tout est affaire de contexte. Un drame qui parle de risque. Avec Cillian Murphy, Emily Watson et Eileen Walsh (déjà vue dans le terrible The Magdalene Sisters de Peter Mullan).

Je ne me laisserai plus faire (Gustave Kervern, 2024)

Yolande Moreau et Bruno Lochet assis l'un à côté de l'autre dans un canapé face à un service à thé.

Voilà un très bon road + revenge movie qui permet à Emilie, septuagénaire fuyant son EHPAD après la mort de son fils unique, de ne plus se laisser faire. Rejointe par Linda, femme de ménage toute aussi saoulée par les connards qui ont croisé son chemin, elles se vengent, tout simplement. C’est drôle avec une bonne dose de sel. Avec Yolande Moreau, Laure Calamy, Anna Mouglalis, Raphaël Quenard et un paquet d’autres personnes de qualité.

Flop / top

Ces temps-ci, je suis en train de lire La Part des ténèbres de Stephen King. Je n’aime pas ce roman et c’est la première fois que ça m’arrive avec mon auteur préféré. Si j’ai pris l’habitude de ne plus avancer dans un livre qui me fait perdre mon temps, j’ai pourtant l’intention de finir celui-ci. Je veux savoir si j’ai raison car, dès le départ, j’ai su tout ce qui allait se passer. Ça ne m’arrive jamais, je me laisse porter, mais ici il est question de tout l’aspect négatif des tropes (en opposition avec la série dont je parlais au début de cet article). C’est l’histoire de Thad Beaumont, un écrivain qui a aussi un nom de plume, George Stark. Comme on le menace de révéler le secret de sa double identité, Thad décide de s’en débarrasser au moyen d’une mise en scène qui a le mérite de faire causer. Peu après, les personnes qui gravitent autour de sa profession sont assassinées sauvagement les unes après les autres. C’est trash et bien écrit, comme d’habitude, mais je n’adhère pas du tout à l’imagerie autour de la gémellité, c’est affreusement daté (le roman est sorti en 1989, l’année suivante en France).

Je consacre aussi mes soirées à un ou deux épisodes d’Urgences, série que j’ai à peine suivie dans les années 1990. Je viens de commencer la cinquième saison et je suis émerveillée. Quelques petites choses ont mal vieilli : les relations amoureuses hétérosexuelles, certains personnages masculins et leur non remise en question, le fait de parler du langage plutôt que de la langue des signes en version française, etc. mais dans l’ensemble, il y a une belle avancée et des questions que je n’attendais pas dans une série de cette époque : les femmes racisées et handicapées sont cheffes, le racisme, l’antivalidisme, l’avortement, la séropositivité, la mixité sociale, etc. sont débriefés. Une très bonne surprise.

Photo d’illustration : Little Simz par Thibaut Grevet

4 réflexions sur “Culture I”

  1. C’est marrant, j’ai regardé Small Things Like These ce matin justement. Je n’ai pas lu le livre donc je ne sais pas si c’est une histoire d’adaptation ou pas, mais enfin j’ai eu l’impression de regarder un film qui raconte à quel point Cillian Murphy joue bien la tristesse (regardez là il est triste aussi mais avec du charbon) et que le film n’avait pas grand chose à dire sur les sujets qu’il essayait d’aborder. J’en suis ressortie assez frustrée.

    1. Je comprends ce que tu veux dire, la personne avec laquelle j’ai regardé le film a eu le même sentiment que toi. Cillian Murphy fait super bien le mec triste, c’est clair, mais j’ai trouvé que son personnage a ce quelque chose qui progresse dans l’incrédulité. L’ambiance est pudique et renfermée, je ne sais pas si j’aurais accepté autre chose. Peut-être que le film manque d’un petit truc supplémentaire. Perso j’avais encore bien The Magdalene Sisters en tête, je l’ai un peu vu comme une suite.

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